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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/209

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VAULUCHET.

Et la gloire, tu l’oublies…

GAMBIER.

Je ne la conteste pas. C’est maintenant que je me félicite d’avoir étudié. Me voici reçu médecin. À mon tour de songer à ma position. Mon père n’est pas riche ; c’est un magistrat de province. Le peu qu’il a, je veux le destiner à ma sœur.

CHAMPMAILLY.

C’est d’un bon frère.

GAMBIER.

Eh ! la pauvre enfant, que ferait-elle sans dot ? Ne faut-il pas acheter les maris maintenant ? Heureusement je suis là. À propos, je m’installe à Paris, rue de Rivoli, au deuxième étage. Je viens d’acheter un mobilier magnifique ; mon salon est en velours grenat. Tu comprends, il faut du solide pour le va-et-vient des clients. Puis, j’ai fait l’acquisition d’une pendule superbe de chez Richond ; un objet d’art, enfin Charles le Téméraire sur son cheval. Il faut deux hommes pour la porter.

VAULUCHET.

Mais dis donc, pour le moment qui paye ces frais-là ?

GAMBIER, mettant sa cravate.

Ce sont les derniers sacrifices de mon père, et je ne veux les considérer que comme des avances d’argent, que je lui restituerai dès que je serai en mesure de le faire, et cela ne tardera pas.

VAULUCHET.

Et toi, Champmailly, il ne te faut qu’un modeste atelier ?

GAMBIER.

L’art est chez toi une passion innée. Te rappelles-tu, Vauluchet, quand il dessinait des paysages fantastiques sur le dos du pion endormi ?