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Page:Deraismes - Le Theatre chez soi.pdf/233

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BAZIN

Grand Dieu !

LE CAPITAINE.

Cet invalide-là, c’est Bazin… Eh bien, vieil infirme, tu ne veux donc pas mourir ? À quoi es-tu bon maintenant ? On te sert plus que tu ne sers.

BAZIN.

Non, ce n’est pas lui, on ne change pas ainsi.

LE CAPITAINE.

Ah ! le fait est que je ne ressemble guère à cette sorte d’efféminé, à cette manière de chérubin que j’étais autrefois.

M. EVRART.

Avec quelle émotion devez-vous revoir votre patrie !…

LE CAPITAINE.

Corbleu ! me prenez-vous pour l’homme d’une ville, d’une province ?… Je suis l’homme de l’univers. Ces questions de climat, de localité, conviennent à la brute qui végète sur le coin de terre où la nature l’a jetée. Mais l’homme est fait pour se chauffer à tous les soleils. S’il a, comme l’animal, la faculté de se mouvoir, il a de plus que lui la volonté qui le dirige.

Mme EVRART.

Pourtant, mon frère, il y a un sentiment inné qui nous attache au sol qui nous vit naître.

LE CAPITAINE.

Laissez donc, votre amour de la patrie… c’est l’amour de l’immobilité. En vous voyant tous agglomérés dans un espace étroit et souvent aride, vous me faites l’effet de ces mouches qui se rassemblent uniquement sur un point de viande gâtée. Sachez que la terre doit être considérée dans son ensemble. Les lieux où l’abondance semble portée à l’exagération compensent la stérilité de certaines contrées. Songez