Page:Des Érables - La guerre de Russie, aventures d'un soldat de la Grande Armée, c1896.djvu/27

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Alexandre, de son côté, avait prêché la « guerre sainte » et fanatisé les populations courbées sous son sceptre, en lançant une proclamation dans laquelle il reprochait aux Français leur trahison et leur mauvaise foi.

« Guerriers, disait-il, dans sa proclamation datée de Wilna, 25 juin, vous repousserez l’injuste agression, vous soutiendrez la religion, la patrie ; je suis avec vous ; Dieu est contre l’agresseur. »

Les Russes se retiraient à notre approche, emportant ou détruisant tout ce qui pouvait nous être utile.

À peine avions-nous traversé le Niémen, que déjà notre armée manquait de tout. Nous ne trouvions sur notre route que des villages détruits, des ruines fumantes, des terres sans verdure, de sombres forêts d’où un ennemi invisible nous envoyait des coups de fusil.

Chaque soir, au bivouac, nous parlions de la bataille qui allait se livrer le lendemain.

Mais le lendemain, rien.

Tout au plus voyions-nous parfois l’arrière-garde d’une armée qui avait pour mission, non pas de nous combattre, mais de nous attirer toujours plus avant dans ce pays de désolation qui devait servir de tombeau à tant de braves soldats.

C’est ainsi que nous arrivâmes devant Wilna. L’armée n’était déjà plus la même qu’au départ. Un bon quart des soldats étaient restés en arrière. Plus de trente mille maraudeurs s’étaient écartés par petits groupes de l’armée, et, vivant de rapines, avaient repassé le Niémen.