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Page:Des Érables - La guerre de Russie, aventures d'un soldat de la Grande Armée, c1896.djvu/75

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dans la forêt

taient à l’aide d’énormes brassées de bois vert, finit par m’inquiéter. L’épaisse colonne de fumée qu’il produisait pouvait nous trahir. Je fis des observations à ce sujet, mais inutilement : il s’agissait avant tout de se chauffer.

Nous étions une trentaine d’hommes assez bien armés et pas trop mal vêtus. Mais il eût été impossible de dire à quels régiments nous appartenions. On s’était habillé comme on avait pu, aux dépens des morts. Pour ne parler que de moi-même, je dirai que je portais un uniforme emprunté à cinq corps différents. J’avais toujours mon fusil ramassé au bord de la Bérésina, mais j’avais jeté mon sabre de cavalerie pour prendre à la place une épée d’officier d’infanterie. C’était plus léger et plus facile à manier.

Bref, nous étions assez forts et assez courageux pour essayer de rejoindre l’armée, qui, nous le supposions du moins, ne pouvait être loin.

Pour cela, il fallait soutenir nos forces ; et, je pus le constater, plus d’un parmi nous mangea à ce bivouac sous les arbres le restant de ses provisions. Nous devions donc à tout prix trouver quelques vivres avant de continuer le voyage.

J’en parlai aux camarades, qui furent tous de mon avis.

Il fut décidé qu’une dizaine d’hommes, désignés par le sort, iraient à la maraude, pendant que les autres entretiendraient le feu et garderaient notre petit camp.

On me choisit pour prendre le commandement de l’expédition.