Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/107

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des tendresses contrariées revient d’ordinaire aux esclaves, intermédiaires naturels entre les jeunes hommes et leurs matrones. L’esclave est le premier confident et l’agent improvisé des Pamphile et des Phedria, heureux si, pour prix de ses services, il obtient l’affranchissement ; malheureux s’il est bourréde coups par le maître qu’il a desservi, et même par le jeune homme qu’il a servi sans réussir. Son métier n’a rien que de triste, et ne lui permet pas cette belle humeur dont nos valets de comédie, libres après tout de changer de maître, ont une large provision. Aussi n’attendez de lui qu’une sorte d’ivresse qui se fait illusion. Chez Térence même, la plupart du temps cette ivresse est absente. Le plus gai de tous ces fourbes tristes est encore le Parménon de VEunuque. Disons même que c’est plutôt d’esprit que de gaieté qu’il fait preuve, de cet esprit mordant dont abusent les valets de Regnard. Le sourire composé de Parménon n’est pas ce qui convient aux allures folles de la comédie. Donnez-nous le large éclat de rire du triomphant Mascarille, et la fantasque hilarité de Scapin, et le carillon étourdi de Zerbinette : voilà les grelots dont s’enchante Thalie. Mais à moins de se griser de folie comme les personnages de Plaute, comment voulez-vous que ces esclaves antiques soient franchement gais ? Leurs mouvements les plus agiles sont paralysés par la peur… « C’est sur mon dos qu’on pilera les fèves ! » s’écrie Parménon au moment même d’oser. Ils n’agissent et ne jouent que dans un cercle de supplices. Le fouet, la meule, les mines, voilà les perspectives engageantes que rencontrent