Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/137

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de 1865. On sent que Jules Claretie aspire, comme les meilleurs d’entre nous, à la renaissance de l’enthousiasme, bien qu’il veuille que cet enthousiasme se mitige de raison, pour rendre son empire moins éphémère. Car le biographe ne cherche pas à dissimuler ce qu’il y avait de puéril et d’inutilement excentrique dans les outrances de ces jeunes mangeurs de « philistins ». Théophile Gautier, ce maître qui n’est pas suspect de transactions littéraires, s’est bien égayé dans ses Jeune-France aux dépens du factice et de l’extravagant chez les romantiques de la deuxième heure. On se rappelle le fameux Daniel Jovard. Il est donc bien permis à un pur Parisien de s’arroger le même droit de critique spirituelle contre des intempérances qui n’ont jamais servi aucune cause. Croyez-vous que si Victor Hugo, Sainte-Beuve et Alfred de Vigny eussent, aux premières heures de la rénovation littéraire, vécu, comme Pétrus Borel et sa bande, dans la haine de tout usage, de toute convenance, de tout devoir social, le ridicule qui se serait attaché à leurs personnes n’eût pas rejailli sur leurs œuvres ? Mettons, une fois pour toutes, notre originalité dans nos poëmes, et non dans notre costume. C’est le secret des grands maîtres : les longues chevelures, les gilets de conventionnel, les chapeaux pointus et tout cet attirail qui faisait retourner les bourgeois intimidés ont-ils jamais favorisé, chez Pétrus Borel, l’éclosion des beaux vers ou l’éruption de pages vraiment inspirées ? Qui sait ce que le soin de la forme curieuse, ce que l’indispensable souci de la perfection artistique ont dû perdre