Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/152

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et non la richesse, est notre but principal, et ce que la société attend de nous tous, ce sont des services rendus et non pas des désirs personnels satisfaits. » Ces prophéties, comme ces conseils, sont d’une âme tendre, bien plus que les dithyrambes de tel ou tel utopiste. Dans un admirateur exclusif du présent, il y a un flatteur et par suite un ennemi ; dans ceux que l’on traite de détracteurs se cache un conseiller, un ami qui, dans sa modestie généreuse, ne sait pas toujours la grandeur de sa mission.

Heureux nos contemporains, si les défiances de M. Montégut a l’endroit de la matière envahissante ou de l’État absorbant étaient plus répandues parmi eux ! Trop de confiance, trop de satisfaction, voilà aisément notre mal. Qui de nous a l’équilibre moral ? La plupart, parmi ceux qui cherchent à penser, flottent de Buchner à Veuillot et « de l’athéisme au baptême des cloches ». Les uns, dédaigneux du présent, insoucieux de l’avenir, voudraient rétablir le passé sur les ruines de notre édifice naissant ; les autres, satisfaits du présent ou ambitieux de l’avenir, réduisent le passé en poussière et dispersent cette poussière au vent de l’oubli. Qui de nous, qui, surtout dans les générations qui nous devancent, applique la formule de M. du Camp ainsi modifiée : « Ni dédain du passé, ni peur de l’avenir » ? M. Ëmile Montégut seul ou presque seul.

Plus juste, il a pour l’ancienne société des paroles équitables. Il sait bien qu’avant Malesherbes, Vergniaud, Hoche et Condorcet, il y a eu des Coligny, des l’Hôpital, des Catinat, des Vauban, et il a une entente