Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/21

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s’est élevée à la Légende des Siècles sur cette inspiration négligente et prolixe qui, dans des poëmes pleins d’harmonie et de grandeur, a multiplié les pages incorrectes, vagues et décidément illisibles.

Un aveu cependant. Nous ne pouvons nier que la prépondérance exclusive de la Volonté ferait courir d’aussi grands dangers à l’art, de plus grands peut-être, si la Volonté se passait de l’Inspiration ; le travail et l’effort, prenant le dessus, imprimeraient à l’œuvre artistique ou littéraire un caractère tourmenté et pénible. Il y aurait là un excès contre lequel, cher maître, vous avez peut-être voulu réagir. Si telle était votre intention, vous auriez mieux fait de l’énoncer clairement que de faire une campagne contre cette Volonté qui a produit de si grandes œuvres et complété de si grands hommes. Laissons les petits versificateurs qui transformeraient la poésie en langue hiéroglyphique, les peintres néo-grecs qui se remettent de tout sur l’archaïsme, les musiciens qui confisquent la mélodie au profit de l’harmonie, et tous ces partisans exagérés d’un art qui ne serait plus seulement réfléchi, mais calculé. Prenons un terme moyen. L’Inspiration pure peut être belle et surprenante comme la Grâce ; la Volonté réduite à elle même peut être belle et attachante comme l’Héroïsme.

Mais ce qui est plus beau, sans contredit, c’est l’union de l’Inspiration et de la Volonté, ces deux sœurs dont vous faites des rivales, et qui plus d’une fois se sont alliées pour donner à l’art ceux que nous appelons des dieux. Un Raphaël, un Shakespeare, un Racine,