franchir les limites qui nous sont imposées, nous pouvons revendiquer pour l’auteur des Orientales l’honneur d’avoir voué à toutes les idées de charité, de liberté et de progrès la magnificence de sa forme et la souplesse de son rhythme. Ses drames et ses romans ont lutté pour des thèses généreuses. Interprète incomparable de la fantaisie, de la passion, de la nature et de la famille, il a fait entrer dans ce cadre déjà assez large l’humanité ; le premier il a répandu dans ses strophes une tendresse et une pitié universelle que le monde ne connaissait plus depuis Virgile. Poëte préféré des raffinés et des dilettanti, il a eu des vers pour les humbles, pour les faibles, pour tous les opprimés. Cette mission a été noblement remplie. S’ensuitil qu’il faille l’imposer au poëte, et faire de son accomplissement un signe de supériorité ?
Certes, nous applaudissons à la pensée de Victor Hugo, lorsque dans un excellent chapitre : VArt et les Masses, il demande que par une large diffusion de l’enseignement on crée des lecteurs pour les œuvres du génie. Initier les foules aux grands maîtres, c’est une haute pensée. Il y a des chefs-d’œuvre assez simples pour être compris, et qui ne demanderaient qu’un corps d’instituteurs primaires singulièrement exercé. Ce n’est pas là que vise notre objection Que l’on mette l’art à la portée des masses, rien n’est plus juste, plus conforme au lois de fraternité qui régissent la société moderne. Mais l’art, l’art militant, l’art vivant, doit-il uniquement se consacrer à cette éducation des masses par le Beau ? Nous ne pouvons l’admettre,