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Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/245

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que cette maladive enchanteresse. Rien n égale son charme doux et voilé. Elle plaît ainsi, toujours en pleurs, le regard noyé dans ses perfections infinies. C’est la mère du rêve, et c’est au rêve que l’imagination doit ses plus resplendissantes merveilles. Là surtout où elle n’est pas exclusive et dominante, la mélancolie a de bien puissants attraits.

Quoi de plus pénétrant pour l’âme que ces pensées troublantes et furtives que jette la muse grecque ? On dirait une nuée légère, nubem serenam (1), traversant l’immuable azur du ciel attique. Ainsi dans Homère que de fois on se prend à relire le fameux passage où Glaucus dit à Diomède : « Fils de Tydée, pourquoi me demander mon origine ? Les générations des hommes sont comme celles des feuilles. Le vent jette les feuilles à terre ; mais la féconde forêt en produit d’autres ! De même la race des humains naît et s’écoule (2). » En un moment passent devant nos yeux la rapidité de nos joies, l’inanité de nos espérances, 1 instabilité de notre séjour sur la terre, où si vite nous serons remplacés. Un vague attendrissement circule dans notre âme. Rien de plus. Cette impression est bientôt effacée par le poëte lui-même.

La mélancolie se retrouverait aussi chez presque tous les poëtes de 1 antiquité, mais toujours à intervalles, par soudaines et rares apparitions. Est-il rien de plus délicatement ému que certaines strophes de Pindare ? J’aimerais à détacher toute la première épode

(1) Virgile.

(î) Homère, Iliade, oh. VI.