de la mélancolie. On a pu à plus juste titre relever dans Pascal et dans Bossuet, et auparavant chez Balzac, des phrases d’une profondeur touchante. Mais cette tristesse songeuse du détail ne déborde pas sur l’ensemble. Balzac reste avant tout le plus empourpré et le plus florissant des rhéteurs. Pascal est vraiment triste, désolé, désespéré. Il souffre, mais d’une souffrance qui a son objet, et, tout en se torturant, il ne se consume point pour des chimères. Il n’est qu’à demi mélancolique. Qui l’est moins que Bossuet, génie à coup sûr sain et vigoureux ? Quelque antipathique qu’il puisse être par son intolérance, Bossuet, si dur envers ses adversaires, ne peut être absolument taxé d’insensibilité. Plus d’une fois l’émotion l’envahit. L’athlète impétueux ressent, en présence des passions, les grandes afflictions chrétiennes, qui naissent des pensées les plus hautes et les plus désintéressées. L’idée du néant de l’homme, la fragilité de nos résolutions, l’incertitude de nos espérances, tout remue l’âme du fier écrivain d’une sollicitude plaintive qui se traduit poétiquement. On aime à l’entendre parler avec une tendresse compatissante de « cette petite goutte d’eau « qui nous est restée pour rendre la vie supportable et « tempérer par quelques douceurs ses amertumes infi « nies. » Avec quelle pénétration douloureuse il nous dépeint « l’illusion des amitiés de la terre qui s’en « vont avec les années et les intérêts, et la profonde « obscurité du cœur de l’homme qui ne sait jamais ce a qu’il voudra » ! Cependant il y a loin encore des regrets déterminés et des angoisses qui ont conscience
Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/252
Apparence