Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/267

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rien délicat et immense qui ne se résout pas par l’algèbre, le cœur humain !

On a reproché à Marivaux, avec plus de justesse apparente, de ne traiter sous des formes diverses qu’un sujet unique, de varier avec plus ou moins de bonheur le thème monotone de l’amour. On oublie de nombreux ouvrages destinés à des peintures de mœurs, tels que le Petit-Maître corrigé, VHéritier de Village, etc. Cependant je reconnais que Marivaux a surtout étudié l’amour. Il nous reste à savoir si ce sentiment, sans cesse mêlé aux actions des hommes, mobile alternatif du bien et du mal, n’exerce pas une influence assez constante pour qu’un écrivain se consacre à en décrire les signes et les progrès. Eh quoi ! l’amour dénoncerait à tout moment son impérieuse présence, ici par un ascendant regrettable, là par de nobles inspirations, et l’on taxerait de monotonie le poëte qui, adoptant la plus changeante des réalités, entreprendrait de raconter aux hommes l’histoire mobile de leur cœur ! Aucun sentiment n’offre, au contraire, plus d’incessante nouveauté, plus d’éternel imprévu. S’est-on plaint que Racine eût voué successivement Bérénice, Bajazet, Mithridate, à dérouler les grandeurs et les ravages de la passion ? A-t-on trouvé qu’un tel objet fût indigne d’un pareil psychologue et que l’observation pénétrante du maître en fût condamnée à la monotonie ? Pourquoi ne pas admettre dans la comédie ce que l’on accorde à la tragédie ? Pourquoi le sentiment qui s’est glorifié des préférences de Racine n’eûtil pas rencontré dans un autre genre un interprète