Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/284

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lauréats du Capitole. En effet, Dante et Àrioste mis à part, on peut reprocher à tous les poëtes italiens la solennité creuse, le faux goût, pire encore que le mauvais goût, l’exaltation à froid, la noblesse théâtrale, l’abus de l’esprit alambiqué, en un mot, l’usage déplorable d’une langue adorablement rhythmique et faite pour réjouir les regards et les oreilles des dieux. Je comprends que la poésie italienne, costumée d’oripeaux par Guarini et Métastase, éloignât les vrais zélateurs du beau, ceux dont les yeux s’arrêtaient avec enivrement sur la pure jeunesse de la muse allemande. Mais s’il était prouvé que la véritable poésie italienne n’est pas l’idole fardée des académiciens de la Crusca, et qu’elle a pu fleurir ailleurs en plein soleil à l’abri des malfaisantes cultures, avec quel empressement l’enthousiaste de la beauté n’accueillerait-il pas cette apparition d’un génie ignoré ?

Telle est la découverte qui sort de ce volume. Depuis trois siècles, la poésie italienne ne s’est épanouie librement que soustraite aux versificateurs, entretenue et cultivée par l’instinct supérieur du peuple. Ce qui serait impossible en France et en Angleterre a pu se produire en Italie par un don de cette race, qui, du reste, lui est commun avec l’Allemagne. Car les deux nations, divisées par les fatalités de la politique, se relient par des conformités surprenantes. Ainsi, l’amour inné de la musique et la vocation universelle à comprendre la poésie sont communs à ces peuples. Chez nous, à part quelques natures d’élite, on ne parvient à saisir les émotions purement lyriques et même la