déguisés, ayant successivement livré avec une joie secrète les Girondins, Danton, Robespierre. De ceux-là on ne pouvait attendre que des rancunes inexpiables. C’était, selon la belle expression de J. Claretie, « l’éternelle majorité qui condamne. » Les thermidoriens proprement dits, généralement dantonistes, avaient un mobile tout-puissant, le désir de venger la mort de Danton et de Camille. On ne pouvait exiger qu’ils pardonnassent ce double assassinat à Collot, à Vadier, à Billaud, au servile Amar. Restaient les Giron’dins rappelés dans l’assemblée. Ce ne furent pas les plus implacables, car les meilleurs d’entre eux, Louvet, Bergœing, Daunou, Pontécoulant (1), La Revellière-Lepaux, même Lanjuinais, ne firent jamais œuvre de représailles oratoires. Mais les autres pouvaient-ils oublier la mort de leurs amis, leur propre détention ou leur fuite hasardeuse, sous le couteau, de cachette en cachette, en proie à toutes les misères, à toutes les plus poignantes horreurs ? Un de leurs adversaires, Soubrany, reconnaît lui-même cette fatalité des revanches violentes :
« Ils seraient plus que des hommes s’ils pouvaient en faire le sacrifice à la patrie. »
Ces retours étaient inévitables : le mal qu’ils amenèrent fut immense, mais on ne pouvait pas les éluder. Qu’il eût été sage et politique d’étouffer tous ces ressentiments, d’ensevelir toutes ces haines ! Mais, hélas ! les mémoires vengeresses dont parle Eschyle veillaient
(1) Pontécoulant défendit Robert Lindet avec une remarquable générosité.