Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pétitionnaires chassés, restent les représentants qui sont demeurés à leur poste et qui, en prenant la direction de cette foule orageuse, ont peut-être prévenu d’irréparables malheurs ; tout retomba sur leur tête : ils sont rapidement décrétés, arrêtés emprisonnés. Quelques mois après, une commission militaire envoyait à l’échafaud ces hommes dont tout le crime était d’avoir maintenu la dignité dè la Convention, avilie par la fuite de ses membres, et gardé devant l’émeute naissante l’avantage de leur titre et le prestige de leur mission. Ces Montagnards furent méconnus de leurs plus honnêtes collègues ; leurs collègues moins honnêtes les connaissaient trop bien pour ne pas se délivrer d’eux comme de témoins gênants. Devant le tribunal, la noblesse de leur défense ne fut surpassée que par la sublimité de leur fin. Ce qu’avant eux avait fait Valazé, tous le firent successivement : se passant le poignard de main en main, ils se transmirent la mort comme les coureurs de Lucrèce se transmettaient la vie. Ainsi mouraient les stoïciens,

Et laudatis antiquorum mortibus pares exitus.

Cette perte ne fut jamais réparée pour la République défaillante. La politique thermidorienne continuera jusqu’à la dernière heure ce jeu de bascule qui la mena par soubresauts aux pieds du César de brumaire. Pouvait-il en être autrement ? Point de république sans une élite de républicains. Or Saturne, selon l’expression prophétique de Vergniaud, avait dévoré ses