dit-elle, comme vous lui faites dire : « Plutus ne peut rien par lui-même et, s’il visite un jour tous les hommes, c’est moi et mon frère le Travail qui l’auront forcé à ouvrir ses mains avares. » Ce souhait, cette promesse de bien-être, si généreuse, si noblement exprimée, et que je suis loin de ranger au nombre des chimères, sont de notre temps et non du siècle d’Aristophane ; Platon lui-même n’eût pas osé concevoir ce rêve enthousiaste qui rapproche tous les êtres dans le bonheur. Grandes doctrines de fraternité, ce n’est que d’hier que vous avez pénétré dans la pratique, ce n’est que d’hier que l’on a repris contre la Misère et l’Ignorance l’entreprise sacrée d’Hercule persécuteur des hydres et des monstres ; ce n’est que d’hier que les Bactis marchent le front haut sous cette loi qui, dans notre Europe favorisée, ne connaît plus d’esclaves ni de maîtres. Souvenez-vous qu’Aristote croyait à la perpétuité de l’esclavage, à l’éternité de la misère, et ne prêtez pas à un personnage d’Aristophane des vues prophétiques que ne soupçonnaient pas alors les plus grands esprits de l’humanité.
Que de réserves ! Je les énumère : un ordre factice établi contre les habitudes poétiques d’Aristophane, de graves anachronismes de langage, d’idées et de mœurs ; l’amour introduit dans un théâtre qui le rejette, des amants qui se parlent à la mode du XIXe siècle, une jeune fille libre enamourée d’un esclave, le rôle de la Pauvreté frappé à la marque de 1866. De tout cela naît une œuvre factice qui, trop exacte pour être originale, n’est cependant pas une franche imitation. Aristophane