Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/49

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qui, comme la plupart de nos faiseurs d’échos et de chroniques, n’ont dans la mémoire et dans le cerveau que des lambeaux d’études inachevées, qui n’ont pas non plus cette Imagination enchanteresse dont les faveurs ont pu quelquefois suppléer aux lacunes de l’instruction, que peuvent-ils vraiment dire ? Des sornettes, rien de plus.

Nous appelons sornettes, fadaises, balivernes, comme vous le voudrez, car le vocabulaire de nos aïeux est assez riche pour qualifier les formes diverses de la puérilité, tous ces bruits du jour, toutes ces anecdotes scandaleuses, toutes ces historiettes.apocryphes que les Ignorants ont pris pour thème unique et pour sujet perpétuel. Que « l’actualité », pour parler leur jargon, ait sa place dans un recueil, nous ne songeons pas à le contester. Ce besoin est équivoque, mais il existe et il faut lui faire sa part. Mais on ne doit pas viser à l’assouvir au détriment des instincts supérieurs de l’intelligence. En lisant un de ces journaux, on dirait que la France est une grande petite ville où les concitoyens de Michelet et de Littré passent leur vie à s’inquiéter du prochain et à scruter l’hôtel de Turcaret ou le boudoir des belles Impures. Quoi ? le peuple qui a fait la prise d’armes des communes et la fédération de 89, le peuple d’Étienne Marcel et de Camille Desmoulins n’aurait, en dehors de ses travaux quotidiens, d’autre souci intellectuel, d’autre appétit littéraire, que de s’en quérir des apothéoses de brasserie, des faits et gestes des dames de rencontre, et des méandres vulgaires d’un ruisseau que n’eût pas regretté Mme de Staël !