Aller au contenu

Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voix émue et voici à peu près ce qu’il me raconta :

Doué d’une imagination ardente et d’une tête de feu qui le faisait souffrir au milieu de notre société égoïste et fausse, Lucien Krammer s’était, tout jeune encore, dirigé vers la peinture et jeté dans la vie d’artiste, pour être plus à son aise. Sa seule, son unique consolation était de se tourner vers sa palette, sa bonne palette, toujours là, sous sa main, avec ses couleurs brillantes et magiques, et de lui demander quelqu’une de ces gracieuses et ravissantes figures qui vous regardent avec une inconcevable tristesse, quelque tête d’ange, pure et mélancolique, aux longs cheveux d’or, aux yeux baissés, aux grandes ailes blanches.

Or il y a quelques années — comme il parcourait les Pyrénées en artiste — un soir qu’il rentrait à Sarrance, à la suite d’une excursion dans la montagne, il avait aperçu, endormie sur les dalles de l’église, une jeune enfant qui lui parut si belle que, par un caprice d’artiste autant peut-être que par humanité, il résolut de la recueillir chez lui comme le Wilhem Meister de Goethe. Il lui sembla que c’était là une fleur dont les parfums lui seraient doux dans sa vie solitaire, une vivante vierge de Raphaël dont les traits délicats et fins, sans cesse sous ses yeux, le rappelleraient à l’idée