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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/130

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Qu’il est beau, ce tableau ! Qu’elle est belle, cette femme ! que son sourire est doux ! Oui, tu seras heureux ; tu sauras que c’est toi qu’elle aimait, que c’est pour toi et à toi seul qu’elle sourit ainsi. » Et elle étreignit la tête du peintre entre ses bras si faibles et si blancs, et, par une faible contrainte, elle l’entraîna à son chevalet, car l’artiste, lui aussi, éprouvait une émotion bien douce ; il était rendu à une espérance de gloire ; — il sentait qu’il était encore peintre ; — il se savait aimé…

Dans son délire de poésie, il s’empara de ses brosses ; mais elles restaient immobiles entre ses mains. Pour un instant il n’était plus de ce monde, il était tout poésie. Cette jeune fille, si rieuse, si enfantine, dont les veines bleuâtres faisaient si bien ressortir l’éclat d’albâtre de sa gorge

….. Blanche, blanche
Comme la noix est dessus branche
Quand il a fraîchement neigé,

(Lorris. Roman de la Rose.)

elle était là, devant lui, grandie par l’enthousiasme de l’art, par l’abandon et le sacrifice de l’amour ; elle n’appartenait à rien de terrestre ; son sourire semblait s’harmoniser avec le ton du ciel ; c’était l’ange de la poésie, l’ange de la peinture qui venait visiter l’artiste. C’est alors que les artères de Lucien battaient avec violence ; c’est alors qu’il