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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/209

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a produite sur vous me fait trop pressentir toute l’indiscrétion qu’il y aurait à vous demander de m’initier à des souvenirs sans doute bien cruels, pour que je persiste dans l’idée de vous interroger.

— Bien cruels, il est vrai, reprit le père Jacques dont les regards attendris ne me quittaient pas, et aujourd’hui plus que jamais, car vous avez avec mon jeune maître que je pleure une si frappante ressemblance, que j’ai cru le revoir !…

L’intérêt que m’inspirait ce vieillard croissait à chacune de ses paroles. Tout me disait depuis un instant qu’une grande infortune avait dû le frapper, et ma satisfaction fut extrême en l’entendant dire :

— Je vais vous raconter ce que mes yeux ont vu, car je n’aurai jamais une meilleure occasion de rendre hommage à la mémoire de mon pauvre cher maître, dont Dieu veuille bien avoir l’âme en son saint Paradis !…

Et le bon vieux commença ainsi :

« Originaire d’une famille basque, mon père avait quitté son village pour entrer au service du colonel de S…, et ce fut dans une des terres de M. le comte, le château de S…, que je naquis quelques années avant son unique héritier, M. Jules. Jusqu’à vingt ans, mon jeune maître ne quitta pas le château ; mais à cet âge son père voulut qu’il parcourût l’Europe et que je l’accompagnasse en qualité de valet