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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/211

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confier le site bizarre à son album, il se promenait tout au bord de cette extrémité pour mieux se pénétrer de la mystérieuse profondeur de ces gouffres, le ciel voulut qu’il cédât, comme tant d’autres, aux irrésistibles séductions de la Fée des Vertiges, et roulât, la tête la première, dans l’immense cratère béant devant lui.

Un cri perçant qu’il fit entendre, comme un dernier adieu à la vie, vint seul m’annoncer cet affreux malheur…

J’accourus… mais déjà il était trop tard. Les eaux écumantes dressèrent seules devant moi leurs têtes blanches hideusement cruelles.

Égaré par le désespoir, je tombai à genoux à cette même place, sans faire un mouvement. Je comprenais et je ne voulais pas comprendre ; je savais et je ne voulais pas savoir ; je devinais et faisais tout pour ne pas deviner… Et c’est qu’il y avait là, en effet, trop de désespoir, trop de réalité déchirante pour ne pas craindre d’y croire, pour ne pas redouter le réveil d’un aussi affreux rêve.

Immobile, dans un état de morne stupeur, je restai toute la nuit abîmé dans mes larmes, et ce ne fut qu’après en avoir bien versé que je pus envisager face à face l’horrible malheur dont je venais d’être le témoin impuissant…