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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/219

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les clameurs étranglées du Gave qui bondit, au pied de cette même roche, au fond d’un véritable abîme et de noires profondeurs où l’œil ose à peine le suivre, avec des grondements terribles qui montent jusqu’à vous comme les bouffées d’une effroyable tourmente souterraine.

Voici maintenant la légende qui s’y rattache :

Il y a de cela de longues, bien longues années, par une de ces belles matinées d’avril, où la nature renaissant à la vie ne respire qu’amour et sensualité, deux enfants de la montagne — une jeune fille et un jeune pâtre, deux amants — parvinrent tous deux jusque sur cette roche, tout en faisant une de ces délicieuses promenades à deux où le cœur parle si bien dans le silence de l’isolement.

La gaieté rayonnait sur leur front ; l’ivresse de la passion dans leurs regards de flamme. Appuyée au bras de son promis, la jeune fille semblait à peine tenir à la terre, tant le gazon s’inclinait faiblement sous son petit pied ; mais quiconque l’eût vue n’eût pu s’empêcher d’admirer la savoureuse souplesse de sa taille, l’ardente volupté de ses deux yeux noirs, dont de longues et soyeuses paupières adoucissaient le feu, le ton chaud et amoureux de sa bouche, et tout ce qu’il y avait enfin de reflets chatoyants, de lumière dorée, d’irritante ardeur dans ses cheveux lustrés comme l’aile d’un cor-