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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/79

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pas enlevée à la terre il y a quelques mois ? Pourquoi ne suis-je pas morte avant le jour fatal qui ne m’a faite jeune fille d’enfant que j’étais que pour m’apprendre la douleur ? »

Elle fit des neuvaines, elle invoqua les saints, elle passa des journées entières dans la prière, elle jeûna durant de longues semaines ; rien n’y fit, et elle crut, la malheureuse, que le ciel l’avait abandonnée ; alors elle se laissa aller tout à fait au désespoir.

Bientôt tels furent les ravages du mal qui la minait sourdement, que sa frêle organisation en fut atteinte au point d’effrayer tout le monde. Ses joues s’étaient horriblement creusées ; ses yeux, cernés d’une teinte bleuâtre et bistrée, semblaient voiler douloureusement des ardeurs fatales et mystérieuses ; sa bouche, où le sourire avait été jadis plus doux encore que rare, était devenue pâle et décolorée. On sentait que le feu caché de la langueur devait circuler dans ses veines secrètement incendiées.

Un soir enfin, à la nuit tombante, comme elle revenait seule du village voisin et hâtait d’autant plus le pas qu’elle craignait fort de se laisser surprendre par l’obscurité dans un grand bois qui lui restait à traverser, — bois où l’on avait plusieurs fois, disait-on, aperçu des revenants, — il lui