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Page:Des Monts - Les Legendes des Pyrenees 3e, 1876.djvu/81

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À sa grande surprise, elle n’aperçut ni langue rouge, ni griffes, ni cornes, ni pieds fourchus, mais bien en effet le jeune sire de Lahonce qui lui tendait la main en lui disant : « Je t’aime ! »

Et comme en ce moment la nuit avait ce je ne sais quoi qui porte à l’âme, que la lune nageait dans une mer d’azur, que de jolis nuages se fondaient aux caresses du vent, que des brises attiédies passaient avec plainte et murmure dans la chevelure frissonnante des saules, que tout au fond du vallon, dans l’ombre où se jouaient mille rayons tremblants, la voix mélancolique des eaux soupirait seule, comme une douce et amoureuse prière, au milieu du silence infini, le sort jeté s’appesantit doublement sur elle. La tête perdue, elle sentit tout son sang refluer précipitamment vers son cœur, et répondit avec une inexprimable ivresse : « Non, je n’ai plus peur, et je crois… »

Elle hésita et n’acheva pas ; mais son séducteur, lui, l’avait comprise, et la pauvre fille fut perdue tout à fait, car lorsqu’il lui dit : « Eh bien, puisque tu m’aimes, Marguerite, de par le ciel ou l’enfer nous serons heureux, » elle tressaillit bien en entendant cet horrible blasphème, mais elle ne retira pas sa main de la main qui la retenait. Bien plus, quand l’ayant saisie par la taille le sire de Lahonce pencha sa lèvre sur le front de la jolie