Qu’au lieu de te porter les torches d’Hymené
J’erre avec ces flambeaux pour rechercher la place,
Qui desrobe de moy ton agreable face ?
Ainsi nos deitez tournent dans les destins :
Lachesis ne pardonne à nos honneurs divins.
O que j’estois par toy heureuse, forte & grande,
Voyant autour de moy une amoureuse bande
De courtisans espris aux raits de ta beauté !
Et maintenant (helas) tout plaisir m’est osté.
O doux repos perdu ! ô Mere glorieuse,
Par la divine fleur qui la rend soucieuse !
Ma Fille estant chez moy, je surpassois Junon
En bonheur, en vertu, en richesse, en renom :
Ore ne l’ayant plus, je cours de ville en ville,
J’erre parmy les champs obscure, pauvre & vile.
C’est le plaisir du pere. eh ! mais pourquoy à luy
Voudrois-je attribuer l’effort de mon ennuy ?
O mon ame, ô mon tout, c’est moy qui suis cruelle,
Seule je t’ay laissee & si jeune & si belle.
J’exposay ta beauté aux amans ennemis,
Reveillant cependant les durs sons endormis
Du Thiase enroüé aux terres de Phrygie
J’accouplois les Lyons : & lors on ta ravie.
Prends vangeance de moy & de ces traistres yeux,
Et du sein qui vers toy ne fut officieux.
Mon infidelle sein, & mon traistre visage,
Sentiront de ma main la furieuse rage.
Dea mon cueur où est tu ? quel pole te retient ?
Où est l’heureux païs qui ta beauté soustient ?
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