Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/103

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En peinture, tout le monde est le maître ou l’élève de quelqu’un, suivant qu’on est vieux ou jeune, et plus ou moins décoré. Lorsqu’on n’a point de génie, on le professe pour le compte d’autrui ; on devient cette chose impudente et burlesque : professeur d’art. Transmettre de génération en génération, théoriquement, mécaniquement, des lois fixes du beau ; enseigner l’art d’être ému, d’une façon correcte et semblable, devant un morceau de nature, comme on apprend à métrer des pièces de soie ou à confectionner des bottes, cela semble, au premier abord, un extravagant métier. Cependant, il n’en est pas de plus honoré et qui rapporte davantage. Le maître met son amour-propre à posséder le plus d’élèves possible, l’élève à copier le plus fidèlement possible la manière du maître, lequel copia son maître, qui lui-même copia le sien. Et cela remonte, de la sorte, d’élèves en maîtres jusqu’aux siècles les plus lointains de nous. Cette suite ininterrompue de gens se copiant les uns les autres à travers les âges, nous l’appelons la tradition. Elle est infiniment respectée. Les gouvernements, aidés des critiques d’art et amateurs, veillent à ce qu’elle soit officiellement continuée et qu’aucun accident fâcheux n’en vienne briser la chaîne ; ils lui donnent des ministères, des