Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/106

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hâte de produire, aux prises avec les tâtonnements du début, avec les difficultés d’une technique rebelle et d’une éducation de l’œil si lente à se faire, est fatalement destiné à subir l’influence de ses premières admirations et de ses premiers enthousiasmes. En ses premières toiles, si pleines. d’effort, de volonté, de qualités personnelles, où déjà se devine la maîtrise future de l’artiste, on sent néanmoins l’influence de Courbet et de sa manière noire, puis celle de Manet et de ce grand peintre méconnu, M. Camille Pissarro, Il s’en rendit compte, car personne ne fut plus sévère pour ses œuvres que M. Monet, et il mit toute son énergie, par une communication encore plus intime et plus abstraite avec la nature, à se défaire de ces quelques souvenirs extérieurs qui nuisaient au développement complet de sa personnalité.

Bientôt, à force d’isolement, de concentration en soi, à force d’oubli esthétique de tout ce qui n’était pas le motif de l’heure présente, son œil se forma au feu capricieux, au frisson des plus subtiles lumières, sa main s’affermit et s’assouplit en même temps à l’imprévu, parfois déroutant, de la ligne aérienne ; sa palette s’éclaircit. Il divisa son travail sur un plan méthodique, rationnel, d’une inflexible rigueur, en quelque sorte mathématique. En quelques années il arriva à se débarrasser des conventions, des réminiscences, à n’avoir plus qu’un parti-pris, celui de la sincérité, qu’une passion, celle de la vie. Et c’est la vie, en effet,