Page:Des artistes, première série, 1885-1896, peintres et sculpteurs, 1922.djvu/161

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très bien ! » se dit-il. Tout à coup il s'arrête, perplexe, hésite, se renfrogne et, scrupuleux, objecte : « Et si c'était très mal ?... Est-ce très bien ?... Est-ce- très mal ?... Comment puis-je le savoir ? » Et, s'effarant entre ces deux possibilités, comme il ne possède, sur cette déroutante peinture, aucune opinion sérieuse et préalable, comme, d'autre part, il ne peut fouiller dans d'antiques archives pour y découvrir des critiques raisonnées, de traditionnelles anecdotes léguées aux fureteurs de bibliothèque par trois siècles d'immortalité potinière et consacrées, il se tait. Il se tait d'abord pour ne point engager sa responsabilité, ensuite parce que, en vérité, il n'a rien à dire. De ce curieux et ordinaire état d'esprit d'un critique devant une œuvre vierge et belle, il est résulté que M. Camille Pissarro a failli, jadis, ne pouvoir vivre de son art. Ce qui est toujours drôle, n'est-ce pas ? Mais il ne s'agit pas de récriminer. M. Camille Pissarro qui, à l'adversité, à l'indifférence, à l'attaque, opposa toujours un visage pacifique et un si supérieur esprit, ne me pardonnerait pas de raviver ces vaines querelles. J'aime mieux émettre tout de suite les réflexions que cette incomparable exposition me suggère.

M. Camille Pissarro a été un révolutionnaire par les renouvellements ouvriers dont il a doté la peinture, en même temps qu'il est demeuré un pur classique par son goût des hautes généralisations, son amour fervent de la nature, son respect