Page:Desbordes-Valmore - Élégies, Marie et romances.pdf/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(18)

Les sons d’une harpe plaintive,
En frappant sur mon sein, le faisaient tressaillir ;
Ils fatiguaient mon oreille attentive,
Et je me sentais défaillir…
Que faisais-tu, mon idole chérie,
Quand ton absence éternisait le jour ?
Quand je donnais tout mon être à l’amour,
M’as-tu donné ta rêverie ?
As-tu gémi de la longueur du temps ?
D’un soir… d’un siècle écoulé pour attendre ?
Non ! son poids douloureux accable le plus tendre ;
Seule, j’en ai compté les heures, les instans !
J’ai langui sans bonheur, de moi-même arrachée ;
Et toi ! tu ne m’as point cherchée !…
Mais quoi ! l’impatience a soulevé mon sein,
Et, lasse de rougir de ma tendre infortune,
Je me dérobe à ce bruyant essaim
Des papillons du soir, dont l’hommage importune.
L’heure aujourd’hui si lente à s’écouler pour moi,
Ne marche pas encore avec plus de vîtesse ;
Mais je suis seule, au moins, seule avec ma tristesse,
Et je trace, en rêvant, cette lettre pour toi…
Pour toi que j’espérais, que j’accuse, que j’aime !
Pour toi, mon seul désir, mon tourment, mon bonheur !
Mais je ne veux la livrer qu’à toi-même,
Et tu la liras sur mon cœur !