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PRIÈRES.

Ils savent qu’à Fourvière, au milieu des ténèbres,
Leur Madone a pleuré dans des clartés funèbres ;
Que la Saône a bondi d’un sanglot convulsif ;
Et le peuple qui croit en est resté pensif.

Cette pulsation des eaux et de la terre,
Ces divines lueurs au clocher solitaire,
Sur l’église allumée entre l’onde et les cieux,
Attirent, à minuit, les âmes et les yeux.
De pauvres artisans retardés dans la rue,
Ont vu causer le Rhône avec la Saône accrue,
Comme au temps où le ciel fit pleuvoir à la fois,
En sept jours, autant d’eau qu’il en pleut en sept mois ;
Puis, sous le flot tari, menaçante, plaintive,
Du Rhône échevelé prophétesse captive,
Un jour, que le soleil a séché sa prison,
Une pierre qui parle étonne la raison :
C’est la voix du Destin séculaire enfermée,
Dans son urne de sable, aride, inanimée,
Elle a crié : « Malheur à qui me trouvera !
Qui m’a vue a pleuré, qui me voit pleurera. »