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PRIÈRES.


Hélas ! hélas ! ma mère a pleuré pour du pain !
Hélas ! j’ai vu mourir de froidure et de faim !
Hélas ! quand la faim gronde au cœur d’une famille,
Quand la mère au foyer voit chanceler sa fille,
Quand tout y devient froid, jusqu’aux pleurs de leurs yeux,
Qu’elles n’ont plus de voix pour l’élever aux cieux ;
Quand les petits enfans, bégayant leurs prières,
Alors qu’un doigt de plomb pèse sur leurs paupières,
Tâchent de dire encore à leur ange gardien :
« Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ! »
Mon frère, n’est-ce pas que la mère est sublime,
Si ses flancs déchirés n’enfantent pas un crime ;
Si l’air ne bondit pas des sanglots du tocsin,
Que son remords alors ne peut plus interrompre ;
Et si comme une épée, ils frappent à le rompre
Les fibres tendus de son sein !

Mais, vous savez aussi comment la pitié vole,
Et suspend la révolte, et s’empresse au secours ;
Et comment, jusqu’au cœur, sa limpide parole
Infiltre l’eau divine avec les saints discours.