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PRIÈRES.

Âme vide et bornée à garder sa nature,
Me voilà dans la poudre ; abjecte créature,
Traînant avec ennui mes heures sans éclat,
Réduit à refléter un gazon sec et plat !
Moi ! l’habitant doré de vos salons antiques,
Ramper honteusement dans les scènes rustiques !
Et ne pouvant louer des yeux ni de la voix,
M’efforcer, n’étant rien, d’être ce que je vois !
Me teindre des couleurs du peu qui me regarde !
Et je l’imite en vain !… Ce peu n’y prend pas garde.
Car le faiseur de tout, qui peut dire pourquoi ?
Irrité des honneurs qu’on inventait pour moi,
Peu touché de l’esprit ne regarde qu’à l’âme,
Et si le feu n’est pur, souffle à froid sur la flamme.
Ah ! si j’avais du sang dans les veines, souvent,
J’en ferais des pamphlets : mais je n’ai que du vent !

Heureux chat ! que ton sort diffère de ma vie !
Tandis que seul, piqué de faim, de soif, d’envie,
Rêve, j’avale un rêve, heureux flatteur, tu bois !
Tu manges sans payer à la table des rois !