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PRIÈRES.


J’ai compté sur mes doigts : voici que trois années
Ont balancé sur vous leurs éternels instans ;
Dans ce bruyant désert, nos frêles destinées
Se sont prises d’amour. Vous vivez ; moi, j’attends.

Par les beaux clairs de lune, aux lambris de ma chambre
Que de bouquets mouvans avez-vous fait pleuvoir !
Que de fois vos parfums, faute de myrrhe et d’ambre,
Moururent, aux saints jours, sous mon Christ en bois noir !

À tout exil sa fleur ! Lorsqu’entre ciel et terre
Je semai devant Dieu votre subtil encens,
J’ai souhaité qu’une âme ardente et solitaire
Rafraîchit sur vos fronts son aile et ses accens.

Vouant à l’eau du ciel votre parfum sauvage,
Sur ce mur étonné de produire des fleurs,
J’ai dit au passereau qui descend de l’orage :
« Viens, j’ai semé pour toi ces humides couleurs. »