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Page:Desbordes-Valmore - Correspondance intime 1.djvu/12

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notre vieux rempart, il venait. Nous nous regardions sérieusement , nous parlions bas et peu. Bonsoir, disait-il, et je recevais de ses mains qu’il avançait vers moi de larges feuilles qu’il avait été prendre sur les arbres du rempart pour me les apporter. Je les prenais avec joie ; je les regardais longtemps , et Je ne sais quel embarras attirait enfin mes yeux à terre. Je les tenais alors fixés sur ses pieds nus, et l’idée que l’écorce des arbres les avait blessés me rendait triste. Il le devinait, car il disait : « Ce n’est rien ! » Nous nous regardions encore, et, par un mouvement soudain du cœur, en forçant ma voix faible de prononcer sans trembler : Adieu, Henry ! Il avait dix ans et fen avais sept.

Mon Dieu ! quel charme demeure attaché à ces amitiés innocentes ! Il est imprégné de la même fraîcheur que je sentais à ses feuilles vertes que m’ apportait Henry quand elles touchaient mes mains.

Qu’est devenu Henry ? A quels yeux a-t-il redemandé ce qu’il avait entrevu dans mes regards étonnés et confiants ? Je ne me souviens pas s’il était beau. Sa bouche et une partie de ses traits ne se représentent plus à ma mémoire ; ses yeux seuls me parlent encore. C’est que son âme s’y peignait sans le savoir. Les paroles brèves qu’il jetait à voix basse, ont laissé leur bruit dans mon oreille, et c’est à présent que je