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HUIT FEMMES.

que ma pensée la quittait ; et, craignant qu’elle ne s’attristât en mesurant l’espace qui me séparait de mon pays natal, elle essaya de me distraire.

Il est vrai que, presqu’à mon insu, je regardais avec une vague frayeur la route longue et dangereuse qui se déployait devant moi, que j’avais parcourue récemment sans prévoyance et sans crainte, protégée du sourire de ma mère. L’idée de la franchir une fois encore, mais seule, la certitude de ne plus revoir mon père qu’à ce prix, m’oppressait le cœur, attristait mon âge déjà moins heureux que l’enfance. Eugénie le voyait dans mes yeux incessamment tournés vers la mer ; son inquiète prévoyance captiva mon attention par une ruse innocente dont j’ai gardé le souvenir.

— Regardez donc, me dit-elle, cette