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Page:Desbordes-Valmore - Le Salon de lady Betty.djvu/175

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UNE FEMME.

joie. La longue absence de sa fille avait comme émoussé l’orgueilleux courage du vieillard. Il s’était demandé parfois, bien bas à la vérité, si le monde valait le sacrifice qu’il lui faisait ? si rien lui avait tenu lieu, depuis trois ans, du doux appui de Jane ? de sa voix joyeuse, de ce frais visage, ou ses yeux déjà obsourcis par les années se reposaient comme sur une fleur ? C’était toujours après ces réflexions pesantes sur sa poitrine, qu’il se promenait seul autour des apres rochers de la Cove, regardant de loin le cutter qu’il connaissait bien pour appartenir à Frank, à Frank le hardi smogler, le généreux aventurier, l’intègre hors la loi, le trésorier du pauvre, terrible, disait-on, comme l’ange exterminateur, avec la pudeur dédaigneuse d’une vierge… Et c’était parmi tous ces noms bizarrement accouplés, que le vieillard retrouvait encore et toujours, dans son cœur mal défendu, le petit Frank, le fils du capitaine Hardi > le pauvre orphelin de l’homme qu’il avait le plus aime ! On peut donc présumer qu’il ne la retint pas avec des ordres bien inflexibles, quand elle se seutit entrainée comme par des ailes sur les bords de la mer : il savait que pour l’être né dans l’atmosphère maritime, le souffle pénétrant de ses eaux demeure une passion ; il pouvait d’ailleurs la protéger de loin dans cette promenade découverte, et… chose étrange que l’instinct d’une jeune fille 1