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UNE FEMME

peine écoulés depuis le départ d’Haverdale, que toute sa place dans le présent et l’avenir est envahie par l’ardent usurpateur, il règne seul et fort au milieu de cette âme étonnée, agrandie par tant de sensations nouvelles qu’elle devient heureuse et fière de servir de sanctuaire à cette passion absorbante, réalisation inattendue de tant de livres merveilleux, parcourus sans oser y croire, du moins pour cette vie, et comme la promesse révélée d’une autre. Je sais l’amour ! s’écria-t-elle un soir en voyant s’éloigner Rivalto, et tendant ses beaux bras vers le ciel avec enchantement ; puis elle tomba sur ses genoux dans un sentiment indicible de reconnaissance et d’idolâtrie ; puis elle ouvrit une fenêtre pour chercher de l’air et respirer : il était là, comme partout ! comme ils sont tous quand ils veulent perdre et charmer, sortant des murs, des pierres, des arbres qui ne les cachent qu’aux yeux indifférents, pour les montrer aux yeux qu’ils attirent et poursuivent comme une puissance saisissante, invisible à la foule, qui se divise et se multiplie par la volonté de combattre et de vaincre. Fanelly ne savait plus où porter sa tête, où cacher son cœur, qu’elle appuyait en vain contre le marbre où s’était appuyé Rivalto. Tout palpitait, tout tremblait de ce nom ; Londres, l’Angleterre, le monde en retentissait au loin quelque part qu’elle penchât son oreille pour entendre 1 1