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LES PLEURS.

Et ta mémoire y roule incessamment des pleurs ;
Et tu ne sais pourquoi Dieu fait la nuit si lente !

Et Dieu nous verse encor la nuit égale au jour.
Non ! ta nuit sans rayons n’est pas son triste ouvrage ;
Il ouvrit tout un ciel à ton vol plein d’amour ;
Et ton vol mutilé l’outrage !

Par lui ton cœur éteint s’illumine d’espoir ;
Un éclair qu’il allume à ton horizon noir
Te fait rêver de l’aube, ou des étoiles blanches.
Ou d’un reflet de l’eau qui glisse entre les branches
Des bois que tu ne peux plus voir !

Et tu chantes les bois, puisque tu vis encore ;
Tu chantes : pour l’oiseau respirer, c’est chanter.
Mais quoi ! pour moduler l’ennui qui te dévore,
Sous le voile vivant qui t’usurpe l’aurore,
Combien d’autres accens te faut-il inventer !

Un cœur d’oiseau sait-il tant de notes plaintives ?
Ah ! quand la liberté soufflait dans tes chansons,