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SARAH.

je l’avais répété toute la nuit pour n’en pas oublier une parole ; alors elle pleura amèrement, et devint un peu plus tranquille.

Pendant le jour, je cultivais le carré de terre négligé depuis longtemps ; j’y semai de nouveau du riz, et j’allais dans les bois chercher des fruits pour sa nourriture et la mienne ; le soir je la suivais au rocher, où la lune la retrouvait assise et silencieuse, et je demeurais debout et muet devant elle. Une nuit, elle sortit tout-à-coup de la case, et vint à moi « Arsène, me dit-elle, en cachant sa figure sous ses mains ; Arsène, je ne suis plus seule en danger dans cette île : sauve Narcisse et l’enfant de ton maître. Bientôt il me sera impossible de le cacher ; et la fureur de son vieux père arracherait peut-être de mon sein l’image vivante de celui pour qui je vais bientôt mourir.