Page:Desbordes-Valmore - Pauvres fleurs, 1839.djvu/29

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AVANT TOI


L’année avait trois fois noué mon humble trame,
Et modelé ma forme en y broyant ses fleurs,
Et trois fois de ma mère acquitté les douleurs,
Quand le flanc de la tienne éclata : ma jeune âme
Eut dès lors sa promise et l’attira toujours,
Toujours ; tant qu’à la fin elle entra dans mes jours.
Et lorsqu’à ton insu tu venais vers ma vie,
J’inventais par le monde un chemin jusqu’à toi ;
C’était loin ; mais l’étoile allait, cherchait pour moi,
Et me frayait la terre où tu m’avais suivie,
Où tu me reconnus d’autre part ; oui, des cieux ;
Moi de même ; il restait tant de ciel dans tes yeux !

Mais le sais-tu ? trois fois le jour de la naissance
Baisa mon front limpide assoupi d’innocence,
Avant que ton étoile à toi, lente à venir,
Descendit marier notre double avenir,
Oh ! devions-nous ainsi naître absens de nous-mêmes !
Toi, tu ne le sais pas en ce moment ; tu m’aimes,
Je ne suis pas l’aînée. Encor vierge au bonheur,
J’avais un pur aimant pour attirer ton cœur ;
Car le mien, fleur tardive en soi-même exilée,