Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/101

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Mais les sentiers rompus ont effrayé tes pas :
Quand ton cœur me cherchait, tu ne les voyais pas !

Ainsi le temps prolonge et nourrit ma souffrance :
Hier, c’est le regret ; demain, c’est l’espérance ;
Chaque désir trahi me rend à la douleur,
Et jamais, jamais au bonheur !
Le soir, à l’horizon, où s’égare ma vue,
Tu m’apparais encore, et j’attends malgré moi :
La nuit tombe… ce n’est plus toi ;
Non ! c’est le songe qui me tue.
Il me tue, et je l’aime ! et je veux en gémir !
Mais sur ton cœur jamais ne pourrai-je dormir
De ce sommeil profond qui rafraîchit la vie ?
Le repos sur ton cœur, c’est le ciel que j’envie !
Et le ciel irrité met l’absence entre nous.
Ceux qui le font parler me l’ont dit à moi-même :
Il ne veut pas qu’on aime !
Mon Dieu, je n’ose plus aimer qu’à vos genoux.

Qu’ai-je dit ? Notre amour, c’est le ciel sur la terre.
Il fut, j’en crois mon cœur, effrayé d’un remords,
Comme la vie, involontaire,
Inévitable, hélas ! comme la mort.
J’ai goûté cet amour ; j’en pleure les délices.
Cher amant ! Quand mon sein palpita sous ton sein,
Nos deux âmes étaient complices,
Et tu gardas la mienne, heureuse du larcin.
Oh ! ne me la rends plus ! Que cette âme enchaînée,
Triste et passionnée,
Heureuse de se perdre et d’errer après toi,
Te cherche, te rappelle et t’entraîne vers moi !