Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/148

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Enfin, l’été s’incline, et tout va pâlissant :
Je n’ai plus devant moi qu’un rayon solitaire,
Beau comme un soleil pur sur un front innocent ;
Là-bas… c’est ton regard : il retient à la terre !





ALBERTINE


Que j’aimais à te voir, à t’attendre, Albertine !
À te deviner, seule, en écoutant tes pas ;
Oh ! que j’aimais mon nom dans ta voix argentine !
Quand je vivrais toujours, je ne t’oublierais pas.
Comme après un temps triste une étoile imprévue
Jette sa lueur dans les cieux,
Mon chagrin (j’en mourais !) semblait fuir à ta vue,
Et mes yeux consolés ne quittaient plus tes yeux.
Tu chantais comme au temps où, petite et joyeuse,
Et sensible et rieuse.
Tu caressais ta mère et m’entraînais aux champs.
Pour chercher des oiseaux, pour imiter leurs chants,
Oui, tu me rappelais ton enfance ingénue ;
Cette grâce étrangère et du monde inconnue ;
Cette candeur, soumise à qui peut la trahir,
Qui s’étonne, qui tremble, et pleure sans haïr.
D’où venais-tu, ma chère ? On t’aurait crue heureuse ;
Le sourire toujours surmonta tes douleurs :
Quand ton sein se brisa dans une lutte affreuse,
On ignorait encor qu’il était plein de pleurs.