Aller au contenu

Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
poésies

Comme un doux rossignol sort du fond d’une fleur,
Sans avoir répandu sa voix sur la vallée,
Et va frapper aux cieux pour son hymne exilée
Qui ne veut pas apprendre à chanter la douleur.
Beaux enfants ! tout pétris de baisers, de prières,
Faibles cygnes tombés des célestes bruyères,
Au duvet encor chaud de la main du Seigneur,
Et qui ne voulez pas ramper vers le malheur,
Vous faites bien ! Restez à l’alphabet d’un ange,
Dont chaque lettre sainte est un signe d’amour ;
Solfège harmonieux où nul accord ne change,
Va dont la clef sonore ouvre un autre séjour !
Mais, quand Dieu nous reprend vos ailes et vos charmes,
Que dit-il de les voir humides de nos larmes ?…

Et toi ! viens-tu ? Viens donc ! car au bruit de tes pas
Ma peur s’envolerait : je ne les entends pas !
J’étends mes mains au jour, et je le trouve sombre.
Je cherche à m’appuyer comme un enfant dans l’ombre.
Je lis, ou je crois lire ; et les lugubres mots,
En oracles rangés décrivent deux tombeaux
Qui, retenant sur eux ma frayeur arrêtée,
Sortent en traits de plomb de la page irritée.
Il faut fermer le livre et tomber à genoux ;
Il faut dire : Mon Dieu ! pitié pour lui… pour nous !

Et me voilà ! voilà comme tu m’as rendue !
À deux pas de tes pas, je suis seule, perdue ;
Je dépends d’un nuage ou du vol d’un oiseau,
Et j’ai semé ma joie au sommet d’un roseau !