Page:Desbordes-Valmore - Poésies, 1860.djvu/90

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Je l’aimais ! j’adorais ce tourment de ma vie ;
Ses jalouses erreurs m’attendrissaient encor ;
Il me faisait mourir, et je disais : J’ai tort.
À douter de moi-même il m’avait asservie.
Toi, tu n’aurais pu voir ses pleurs sans me haïr ;
Sans pleurer avec lui tu n’aurais pu l’entendre ;
Oui, j’accusais mon cœur que tu connais si tendre ;
Oui, je disais : J’ai tort ! en me sentant mourir.
Ainsi l’humble roseau tourmenté par l’orage
Sous un ciel menaçant incline son courage,
Et se relève encor d’un souffle ranimé :
Je retrouvais la vie en son regard calmé.
Pas une plainte, alors, de sa voix consolante
N’osait troubler l’accent qui reprenait mon cœur ;
Et comme lui soumise, et ravie, et tremblante,
De cet orage éteint j’oubliais la rigueur.
Quel doux saisissement ! Dieu ! quel muet délire,
Quand son front se cachait sur ce cœur éperdu,
Qu’il demandait pardon, qu’il m’était tout rendu,
Que je sentais ses pleurs mêlés à mon sourire !
Je n’avais pas souffert, il pleurait. Mais, ma sœur,
Je ne parlerai plus de ses torts, de ses larmes,
Ses torts où tant d’amour répandait tant de charmes,
Je n’ai plus qu’à subir sa tranquille douceur.

Sa douceur, l’inflexible ! Oh ! comme il m’a punie
De l’empire d’un jour,
Où périt mon bonheur, dont la paix fut bannie,
Et qu’irrité de craindre il détruit sans retour.
Sans retour ! Le crois-tu ? dis-moi que je m’égare ;
Dis qu’il veut m’éprouver, mais qu’il n’est point barbare ;
Dis qu’il va revenir, qu’il revient… trompe-moi,