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Ciel ! où m’en irai-je
Sans pieds pour courir ?
Ciel ! où frapperai-je
Sans clef pour ouvrir ?

Plus de ces souvenirs qui m’emplissent de larmes,
Si vivants que toujours je vivrais de leurs charmes ;

Plus de famille au soir assise sur le seuil,
Pour bénir son sommeil chantant devant l’aïeul ;

Plus de timbre adoré dont la grâce invincible
Eût forcé le néant à devenir sensible !

Plus de livres divins comme effeuillés des cieux,
Concerts que tous mes sens écoutaient par mes yeux.

Ainsi, n’oser mourir quand on n’ose plus vivre,
Ni chercher dans la mort un ami qui délivre !

Ô parents ! pourquoi donc vos fleurs sur nos berceaux,
Si le ciel a maudit l’arbre et les arbrisseaux ?

Ciel ! où m’en irai-je
Sans pieds pour courir ?
Ciel ! où frapperai-je
Sans clé pour ouvrir ?