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Que sa crédule mère appelait Espérance.
Oui, la mère est crédule en regardant le jour
Flotter au fond des yeux de l’enfant, son amour !
C’est trop peu d’une vie à cette âme qui s’ouvre :
C’est une éternité que la mère y découvre.
L’éternité fuyait pour ne plus revenir ;
Laurence avait changé de route et d’avenir.

La veille elle avait dit : « Six vierges couronnées,
« Dont les âmes au mal ne se sont pas données,
« Demain, le long des bleds, mèneront le convoi,
« Tendront mon dernier voile et prieront Dieu pour moi.
« Pour moi, s’il est un coin, parmi les hautes herbes,
« Que ne visitent pas les charités superbes,
« Un coin vert, où jamais on n’entend rien gémir,
« J’y voudrais bien aller ! j’y voudrais bien dormir !
« S’il vous plaît, qu’on m’y porte ! Il me faut du silence ;
« Un saule au doux frisson, que l’air baigne et balance.
« Sur nous, si Dieu le veut, l’aurore passera,
« Et parmi le vent frais l’oiseau seul chantera.
« Tant de bruits sur la terre ont étourdi mon âme !
« Oui, c’est une pitié d’y naître pauvre et femme.
« Ne me démentez pas, corrupteurs… ah ! pardon !
« Vivez ! j’ai pris sur moi la faute et l’abandon.
« J’ai bien assez souffert pour que Dieu vous pardonne !