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LAISSE-NOUS PLEURER.


Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,
Rends-nous notre ignorance ou laisse-nous pleurer !

Promets-nous à jamais le soleil, la nuit même,
Oui, la nuit à jamais, promets-la-moi, je l’aime !
Avec ses astres blancs, ses flambeaux, ses sommeils,
Son rêve errant toujours et toujours ses réveils !
Et toujours, pour calmer la brûlante insomnie,
D’un monde où rien ne meurt l’éternelle harmonie !

Ce monde était le mien quand, les ailes aux vents,
Mon âme encore oiseau rasait les jours mouvants ;
Quand je mordais aux fruits que ma sœur, chère aînée,
Cueillait à l’arbre entier de notre destinée.
Puis, en nous regardant jusqu’au fond de nos yeux
Nous éclations d’un rire à faire ouvrir les cieux.
Car nous ne savions rien. Plus agiles que l’onde,
Nos âmes s’en allaient chanter autour du monde,
Lorsqu’avec moi, promise aux profondes amours,
Nous n’épelions partout qu’un mot : « toujours ! toujours ! »