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FAMILLE

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Il raconta comment cette femme prudente
L’avait porté loin d’elle en sa tendresse ardente.
Ses yeux étaient mouillés, me fixant en dessous…
De ce poignant effort je l’aime et je l’absous !
Sur quoi, me voyant coudre un manteau de voyage,
Il m’embrassa deux fois pour louer mon courage,
Et toi, voyant qu’à tout je n’opposais plus rien,
Tu répondis : « Allons, mère, je le veux bien ! »
Oui, l’enfant veut toujours aller, perçant l’espace,
Tourner autour du monde et voir ce qui s’y passe.
Oui, son âme est l’oiseau qui n’a point de séjour,
Et qui vole partout où Dieu répand le jour.
Dès ce moment j’appris que j’avais fait un rêve,
Que tout nous dit adieu, que tout bonheur s’achève,
Et je devins confuse en pesant mon devoir.
L’ai-je rempli ?… Mon père était là pour le voir.
Le lendemain déjà dépassant la charmille
Et dérobant une âme au nid de la famille,
Quand nos pigeons rangés nous regardaient partir,
Trois fois prompte à rentrer, trois fois lente à sortir,
Comme celle qui croit oublier quelque chose,
Je ne pouvais sur toi tirer la porte close ;
Et le guide appelait : ah ! je l’entendais bien,
Mais j’oubliais toujours qu’il ne manquait plus rien.