que ſi Deus non eſſet, nihilominus iſtæ veritates eſſent veræ ; car l’exiſtence de Dieu eſt la premiere & la plus eternelle de toutes les veritez qui peuuent eſtre, & la ſeule d’où procedent toutes les autres. Mais ce qui fait qu’il eſt aiſé en cecy de ſe méprendre, c’eſt que la 5 pluspart des hommes ne conſiderent pas Dieu comme vn eſtre infini & incomprehenſible, & qui eſt le ſeul Autheur duquel toutes choſes dependent ; mais ils s’arreſtent aux ſyllabes de ſon nom, & penſent que c’eſt aſſez le connoître, ſi on ſçait que Dieu veut dire le meſme que 10 ce qui s’apelle Deus en latin, & qui eſt adoré par les hommes. Ceux qui n’ont point de plus hautes penſées que cela, peuuent aiſément deuenir Athées ; et pour ce qu’ils comprennent parfaitement les veritez mathematiques, & non pas celle de l’exiſtence de Dieu, ce 15 n’eſt pas merueille s’ils ne croyent pas qu’elles en dependent. Mais ils deuroient iuger au contraire, que puiſque Dieu eſt vne cauſe dont la puiſſance ſurpaſſe les bornes de l’entendement humain, & que la neceſſité de ces veritez n’excede point noſtre connoiſſance, 20 qu elles ſont quelque choſe de moindre, & de ſujet à cette puiſſance incomprehenſible. Ce que vous dites de la production du Verbe ne repugne point, ce me ſemble, à ce que ie dis ; mais ie ne veux pas me meſler de la Theologie, i’ay peur meſme que vous ne iugiez 25 que ma Philoſophie s’emancipe trop, d’oſer dire ſon auis touchant des matieres ſi releuées.
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