jj2 Correspondance. 1,484-485.
tain que l'efperance eftant du tout oftée, le defir ceiTe, ou du moins fe relafche & perd fa force, & quand on n'a que peu ou point de defir de rauoir ce qu'on a perdu, le regret n'en peut eftre fort fenlible. Il eft | vray que les efprits foibles ne gouttent point du tout 5 cette raifon, & que fans fçauoir eux-mefmes ce qu'ils s'imaginent, ils s'imaginent que tout ce qui a autre- fois efté, peut encore eftre, &. que Dieu eft comme obligé de faire pour l'amour d'eux tout ce qu'ils veu- lent. Mais vne ame forte & genereufe comme la vof- 10 tre, fçachant la condition de noftre nature, fe foumet toufiours à la neceiïité de fa loy ; et bien que ce ne foit pas fans quelque peine, i'eftime fi fort l'amitié, que ie croy que tout ce que l'on fouffre à fon occafion eft agréable, en forte que ceux mefme qui vont à la mort i5 pour le bien des perfonnes qu'ils affe&ionnent, me femblent heureux iufques au dernier moment de leur vie. Et quoy que i'aprehendaffe pour voftre fanté, pendant que vous perdiez le manger & le repos pour feruir vous mefme voftre malade, i'euffe penfé com- 20 mettre vn facrilege, ii i'euffe tafché à vous diuertir d'vn office fi pieux & fi doux. Mais maintenant que voftre deuil, ne luy pouuant plus eftre vtile, ne fçau- roit aufïi eftre li iufte qu'auparauant, ny par confe- quent accompagné de cette joye & fatisfadion inte- 25 rieure qui fuit les actions vertueufes, & fait que les fages fe trouuent heureux en toutes les rencontres de la fortune, fi ie penfois que voftre raifon ne le pûft vaincre, i'irois importunément vous trouuer, & taf- cherois par tous moyens à vous diuertir, à caufe que 3o ie ne fçache point d'autre remède pour vn tel mal. le
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